Et si la démocratie directe helvétique s’exportait en France ? Raphaël Leroy – Les Gilets jaunes réclament un nouveau cadre institutionnel où le référendum d’initiative citoyenne serait instauré…
L’histoire se répète-t-elle? Rappelez-vous: au XVIIIe siècle, le Genevois Jean-Jacques Rousseau exportait son idée de contrat social dans la France pré-révolutionnaire. Aujourd’hui, c’est une autre idée suisse qui est en train d’agiter un pays en crise.
Les Gilets jaunes sont excédés par leur président jupitérien. Ils en ont assez du jacobinisme ambiant qui centralise les décisions à Paris. Ils demandent de l’air. Et surtout, ils souhaitent participer aux décisions politiques. Ils proposent donc d’appliquer le référendum d’initiative citoyenne, le RIC.
Cela ne vous rappelle-t-il rien? Bien entendu, chez nous, il y a une différence entre un référendum et une initiative. Le référendum d’initiative citoyenne sonne donc comme un non-sens total vu d’ici. Mais qu’importe! C’est bel et bien de la démocratie directe dont il s’agit.
Le mouvement contestataire le plus important de ces 30 dernières années en France le convoite. Pour lui, c’est une des solutions aux problèmes des gens qui souffrent.
Les chaînes d’informations hexagonales n’ont jamais autant parlé de notre pays depuis deux jours. Et tout le monde y va de son commentaire. Il y a les partisans comme le premier ministre Edouard Philippe. Et il y a les opposants farouches comme le politologue Olivier Duhamel. Selon lui, le RIC serait “extrêmement dangereux”. Rien que ça! « Vous pouvez avoir un vote, dit-il, qui demande la suppression des limitations de vitesse, un autre qui demande la suppression de la CSG, c’est-à-dire de la protection sociale, un troisième qui demande le rétablissement de la peine de mort, un quatrième qui demande la torture pour les auteurs d’attentats terroristes, etc” De quoi trembler en effet…
Non, vu de Suisse, un pays qui a voté sur les cornes des vaches autant que sur les minarets, ces débats sont au mieux divertissants, au pire consternants.
Car qu’y a-t-il de dangereux à donner la parole à la population? N’est-ce pas l’essence même de la démocratie? Les habitants sont-ils plus bêtes que les décideurs? Malheureusement, tous ces commentaires hystériques et ne reposant au fond sur rien, montrent que nos voisins français ne sont pas mûrs pour un tel système. En France, un référendum équivaut à un vote de confiance du pouvoir en place. Ce n’est absolument pas le cas en Suisse. Et heureusement!
Notre pays s’est construit dans la diversité avec 4 langues et cultures à fédérer. La démocratie directe en a constitué le ciment, la condition sine qua none du vivre ensemble helvétique.
Comme le droit de vote, la mise en place de la démocratie directe nécessite une culture politique à peaufiner, à apprendre. Que les Gilets jaunes se le disent: notre système politique n’est pas exportable comme du chocolat. Fût-il suisse.
@raphaelleroy