Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche pour une élection présidentielle à suspense. Ce scrutin se tient sur fond de fortes attentes sociales et économiques, dans un contexte de rejet de la classe politique aux manettes depuis la révolution de 2011.
Avant même l’ouverture des bureaux de vote à 08h00 locales (07h00 GMT), des dizaines de personnes patientaient devant les bureaux de vote, ont constaté des journalistes de l’AFP. Beaucoup d’adultes et de personnes âgées. « Les jeunes font la grasse matinée », ironisait un internaute.
Jusqu’au dernier moment, de nombreux électeurs se montraient indécis: « Je n’ai aucune idée encore du candidat pour lequel je vais voter, mais je suis venue ici car c’est mon droit », a souligné Rabah Hamdi, 60 ans, arrivée dans les premiers pour voter dans le centre de Tunis.
26 candidats
Une myriade de candidats, des familles politiques éclatées, pas de clivage politique clair: rarement une élection aura été aussi incertaine dans le pays pionnier du Printemps arabe.
Parmi les 26 prétendants, un premier ministre au bilan contesté – Youssef Chahed -, un magnat des médias poursuivi pour blanchiment d’argent et incarcéré – Nabil Karoui -, ou encore le premier candidat du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou.
A la dernière minute vendredi soir, deux candidats de second plan ont annoncé leur désistement, un acte politique qui n’annule pas leur candidature. Ils ont appelé à voter pour le ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi, un technocrate précipité sur le devant de la scène par le président Béji Caïd Essebsi, peu avant sa mort en juillet.
D’autres candidats, comme Nabil Karoui ou l’universitaire indépendant Kaïs Saied, se sont présentés « antisystème ». Une façon de se distinguer d’une élite politique discréditée par des luttes de pouvoir féroces.
Les paris sont restés totalement ouverts jusqu’à la dernière minute, alimentés par des sondages circulant sous le manteau car leur publication est interdite depuis juillet.
« Test »
Les Tunisiens sont avant tout préoccupés par la crise sociale dans un pays sous perfusion du Fonds monétaire international (FMI). Le chômage ronge les rêves de nombreux jeunes et le coût de la vie a augmenté de 30% depuis 2016, alimenté par une inflation frôlant les 7%.
Les différents camps sont à couteaux tirés, ce qui accentue les risques de déraillement du processus électoral, a averti Michael Ayari, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG). Ce scrutin est un « test » pour la jeune démocratie tunisienne car il « pourrait nécessiter d’accepter la victoire d’un candidat clivant », a souligné la chercheuse Isabelle Werenfels.
« Aventures mirobolantes »
« La Tunisie ne sera pas sauvée ni ne va sombrer », tempère l’éditorialiste Zied Krichen. « Les Tunisiens ont expérimenté l’islamisme, les centristes, peut être vont-ils expérimenter d’autres aventures mirobolantes, un peu inquiétantes, mais je pense qu'(…) il y aura toujours de la résistance ».
Les 13’000 bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu’à 18h00 (17h00 GMT), sauf pour 250 d’entre eux, à la frontière algérienne et dans le bassin minier de l’intérieur du pays, qui fermeront dès 16h00. Environ 70’000 membres des forces de sécurité sont mobilisés, selon le ministère de l’Intérieur. Et des milliers d’observateurs ont été déployés par les partis et des institutions internationales dans les bureaux de vote.
Pas avant mardi
Des estimations et sondages sont attendus dans la nuit de dimanche à lundi. Mais les résultats préliminaires ne seront annoncés que mardi par l’instance chargée des élections (Isie).
A moins qu’un candidat n’obtienne la majorité absolue dès le premier tour, les partis seront ensuite face au défi de préparer simultanément les législatives du 6 octobre et le second tour de la présidentielle, qui devrait se tenir d’ici le 23 octobre.
Source : ATS