La Turquie a accepté jeudi de suspendre son offensive dans le nord-est de la Syrie au terme d’un accord arraché à Ankara par le vice-président américain Mike Pence. Ankara est d’accord d’y mettre fin définitivement si les forces kurdes s’en retirent sous cinq jours.
Pour permettre un retrait des forces kurdes « sous 120 heures, toutes les opérations militaires dans le cadre de l’opération ‘source de paix’ vont être suspendues et l’opération sera complètement arrêtée une fois ce retrait achevé », a déclaré M. Pence à l’issue de plus de quatre heures d’entretiens avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Les forces kurdes se sont déclarées prêtes, par la voix d’un de leurs commandants, à respecter « le cessez-le-feu » avec la Turquie. Selon l’accord annoncé par M. Pence, ces forces devront se retirer d’un secteur d’une profondeur de 32 km censé se transformer à terme en « zone de sécurité », en faveur de laquelle la Turquie milite depuis des mois.
« Source de paix »
Baptisée « source de paix », l’offensive turque contre les forces kurdes des YPG dans le nord-ouest de la Syrie, lancée le 9 octobre, a suscité un tollé international en raison du rôle de premier plan joué par les Kurdes dans la lutte contre l’EI. Ankara les qualifie de « terroristes » en raison de leurs liens avec le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla sanglante en Turquie depuis 1984.
Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu a confirmé cet accord. « Nous suspendons l’opération. Nous ne l’arrêtons pas », a-t-il déclaré. « Nous pourrons arrêter l’opération seulement lorsque [les forces kurdes, ndlr] se seront retirées complètement de la région », a-t-il ajouté, refusant toutefois de parler d’un cessez-le-feu.
Le président américain Donald Trump avait paru donner son feu vert à l’offensive turque avant, face au tollé dans les pays occidentaux et au sein de son camp, d’exhorter Ankara à y mettre fin et d’autoriser des sanctions contre la Turquie.
M. Pence a annoncé que ces sanctions seraient levées dès que la Turquie aura mis fin à son offensive.
« Un grand jour »
M. Trump a évoqué un « grand jour » pour la Turquie et pour les Kurdes. « Nous avons un cessez-le-feu de cinq jours », a-t-il déclaré au Texas. « Les Kurdes sont incroyablement heureux de cette solution », a-t-il ajouté, se disant particulièrement satisfait que les négociations aient abouti « aussi vite ».
M. Pence, qui a pour sa part parlé à plusieurs reprises d’un « cessez-le-feu », a affirmé que Washington avait d’ores et déjà commencé à « faciliter le retrait [des forces kurdes, ndlr] de cette zone de près 20 miles [32 km, ndlr] en Syrie au sud de la frontière turque ».
Il n’a pas précisé la longueur prévue de cette zone, qui selon la « déclaration turco-américaine conjointe » sera mise en oeuvre principalement par l’armée turque. M. Erdogan avait déclaré le 13 octobre que cette zone devrait s’étirer, à terme, du fleuve Euphrate à la frontière irakienne, soit une longueur de 480 km.
Selon M. Pence, Ankara s’est aussi engagé à ne pas mener d’opération militaire dans la ville de Kobané,, d’où les YPG avaient délogé l’EI en 2015 à l’issue d’une bataille hautement symbolique.
Inflexibilité
L’offensive turque a fait près de 500 morts, dont une centaine de civils, et provoqué le déplacement de 300’000 personnes depuis son lancement le 9 octobre, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG proche des rebelles.
L’accord turco-américain survient alors que les combats avaient fait rage dans la journée, en particulier à Ras al-Aïn, ville frontalière dont l’armée turque et ses supplétifs syriens contrôlent désormais près de la moitié, selon l’OSDH.
Une correspondante de l’AFP côté turc du front de Ras al-Aïn a entendu sans discontinuer des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des tirs d’armes automatiques. Les autorités kurdes ont réclamé un « couloir humanitaire » pour évacuer civils et blessés.
Les forces pro-Ankara avaient pris aux miliciens kurdes le 13 octobre une autre ville frontalière, Tal Abyad.
L’opération turque a aussi rebattu les cartes dans le nord de la Syrie. A la faveur d’un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines.
Source / ATS.