C’est un rapport explosif qu’a dévoilé ce jeudi matin la Cour des Comptes. Les juges se sont penchés sur les frais professionnels de l’Exécutif de la Ville de Genève. C’est à dire les frais de déplacements, de repas et de téléphonie des cinq conseillers administratifs. Et ce qui ressort de l’audit n’est pas reluisant. Certains exemples sont même choquants. Tant en ce qui concerne les montants que les motifs de dépenses.
Bouteille de champagne et cabaret
Le magistrat Guillaume Barazzone remporte la palme… L’élu PDC a dépensé plus de 17000 francs en téléphonie mobile en 2017. Une somme conséquente qui s’ajoute aux 13000 francs dépensés en 2016. Soit une facture de téléphone de 30 000 francs en deux ans. Autre exemple pour ce même magistrat: de l’alcool fort payé avec la carte de crédit de la Ville dans un cabaret dancing. Et la moitié d’une bouteille de champagne « de prestige » à 6h du matin, dans le bar d’un palace. Précision importante: Guillaume Barazzone a remboursé près de 30000 francs pour des dépenses faites en 2016 et 2017. Reconnaissant lui même – après coup – qu’elles ne devaient pas être prises en charge par la Ville.
Si l’élu PDC apparaît comme le cancre de l’Exécutif en la matière, la meilleure élève n’est autre que la Socialiste Sandrine Salerno. Ce qui n’est pas le cas de sa collègue Verte. En 2017, l’année sur laquelle a porté l’audit, Esther Alder a pris le taxi plus d’une centaine de fois. Difficile à justifier pour une écologiste. Surtout que la magistrate bénéficie d’un abonnement TPG, d’un box pour sa voiture privée et d’un abonnement demi-tarif CFF, payés par la Ville.
La Cour des comptes critique aussi le fait que Rémy Pagani, magistrat d’Ensemble à gauche, profite d’une place de parking gratuite dans l’hyper centre. Un emplacement sur lequel il gare sa voiture privée alors qu’il utilise un autre moyen de transport pour aller travailler. De quoi questionner la Cour, sur “le bon usage des deniers publics”.
L’Exécutif refuse trois recommandations
Au final, la Cour des comptes estime que les règles en matière de frais professionnels ne sont pas claires, que la pratique manque de transparence et que la majorité du Conseil administratif fait preuve, je cite, d’une “exemplarité défaillante”. La Cour fustige aussi la réponse faite par l’Exécutif concernant des justificatifs de repas au restaurant. L’auteure du rapport, Isabelle Terrier s’étonne que des magistrats aient retorqué qu’ils « n’avaient pas de compte à rendre sur leur emploi du temps ».
Comme à son habitude, la Cour clôt son rapport par une série de recommandations. Onze au total ce coup-ci. L’Exécutif en accepte huit. De quoi faire douter la Cour de la “réelle volonté de changer du Conseil administratif”. Notons tout de même que la recommandation principale, à savoir concocter un nouveau règlement, a déjà été appliquée. Le nouveau cadre réglementaire a été adopté par le collège lundi.
Un audit sous tension
Autre recommandation de la Cour: publier chaque année les rémunérations des magistrats et le montant des frais professionnels. Le Conseil administratif a refusé. Et a expliqué qu’il pourrait le faire si tous les exécutifs genevois, comme le Conseil d’Etat par exemple, faisaient de même. Ce à quoi, la Cour rétorque que la Ville, en tant que plus grande commune du Canton, devrait donner l’exemple. Le ping-pong sur ce point reflète les tensions entre l’auteur de l’audit et l’audité.
Visiblement, l’ambiance n’est pas au beau fixe entre le Conseil administratif et la Cour. L’audit évoque un refus initial d’accéder aux données ou encore la volonté de la Ville d’imposer un avocat pendant les entretiens. L’Exécutif réfute toute opposition. La Cour persiste et signe. Elle écrit, je cite: “Contrairement à ce qu’affirme le Conseil administratif, cette mission ne s’est pas du tout déroulée en toute sérénité”. Selon le président de la Cour, Stanislas Zuin, « la Cour a du durcir le ton » pour obtenir l’accès aux données. Les tensions sont palpables. D’ailleurs, contrairement à ce qui s’est fait ces derniers temps, la Ville n’est pas présente à la présentation de l’audit. L’exécutif répondra aux critiques de la Cour en tenant sa propre conférence de presse, prévue dans la foulée, en cette fin de matinée.
@marie_prieur